dimanche 22 février 2009

Immigration et performance intégrative


     Le budget du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire consacré à l'intégration est passé de 195 millions d'euros en 2008 à 78 millions d'euros dans la loi de finances 2009. C'est dire l'importance que Brice Hortefeux accordait à cet aspect de sa charge. Se consacrant aux procédures de reconduite à la frontière, l'ancien ministre a surtout cherché à atteindre les objectifs de performance attribués à sa ligne budgétaire : faire du chiffre.

     Aujourd'hui, la politique d'intégration semble se résumer à l'attribution du Contrat d'Accueil et d'intégration, qui valide l'acquisition de la langue française et des valeurs de la République. Des valeurs quantifiables par des séries de tests, mais qui ne permettent pas d'évaluer l'intégration des populations immigrées une fois le CAI obtenu. Une politique qui s'intéresse aux nouveaux migrants uniquement et ne s'occupe plus de ceux qui sont déjà là mais connaissent des difficultés pour accomplir toutes leurs démarches.

     De multiples transformations ont été proposées dans la loi de finances 2009 : 
- l'action "Intégration et lutte contre les discriminations" est devenue "Intégration et accès à la nationalité française" 
- l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, créée en 2005, voit son budget passer de 44 à 15 millions d'euros, et l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a vu ses attributions redirigées vers la politique de la Ville. L'ANAEM devrait néanmoins bénéficier de taxes et redevances spécifiques.
- l'acquisition de compétences linguistiques sera désormais du domaine de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui devrait voir le jour dans le premier semestre 2009. 

Le rapport du Sénat sur la loi de finances 2009 concernant ce budget souligne les difficultés à venir :

L'augmentation de la demande d'asile combinée à une stabilisation, voire un allongement des délais d'examen des demandes entraîne mécaniquement un alourdissement du coût global de la prise en charge des demandeurs d'asile.

L'exécution budgétaire sur 2008 montre d'ores et déjà que les dotations relatives à l'hébergement d'urgence et à l'allocation temporaire d'attente sont insuffisantes, le décret d'avance n° 2008-1089 du 24 octobre 2008 ayant ouvert 36 millions d'euros de crédits supplémentaires. Or, les crédits prévisionnels pour 2009 sont de 60 millions d'euros, soit 2,5 millions d'euros de moins qu'en loi de finances initiale pour 2008.

Si la hausse des demandes d'asile se poursuivait, les crédits pour 2009 seraient sous dotés dans des proportions encore plus importantes.
La loi de finances pour 2009 a déjà prévu que les demandeurs d'asile qui feraient une demande de réexamen après un rejet de leur première demande seraient exclus du bénéfice de l'allocation temporaire d'attente.
Sur quoi le gouvernement compte-t-il faire des économies la prochaine fois ?

La politique d'immigration est conçue dans le droit fil de la réforme des politiques publiques, fondée sur la performance. Or la performance se déduit d'indicateurs chiffrés : diminution des délais de traitement des affaires ; nombre de reconduites à la frontière ; nombre de certificats attribués… Elaborer des indicateurs permettant d'estimer l'intégration n'est pas impossible : nombre de familles aidées pour telle ou telle procédure et estimation du bénéfice que ces familles en ont retiré (délai des procédures à comparer avec les délais de familles non aidées…) ; nombre d'enfants scolarisés ayant bénéficié d'un soutien et conséquences sur leurs résultats scolaires ; nombre d'opérations interculturelles réalisées… Mais ces indicateurs sont plus difficiles à construire, parce qu'ils prennent en compte des facteurs humains et pas seulement statistiques.
C'est toute la différence entre évaluer une performance et évaluer la qualité d'un service. La première est souvent fonction de la rapidité du service, et décider des critères d'évaluation prend peu de temps. La qualité est plus difficile à appréhender, elle nécessite du temps dans son effectivité et dans la création des critères permettant de l'évaluer.

Du temps, c'est ce que les politiques actuelles ne nous donnent plus. Le culte de la performance efface la notion qualitative, malgré tous les discours qui enrobent la révision générale des politiques publiques. Au détriment de l'intégration de milliers d'individus, qui ne peuvent trouver une place dans la société française par le seul apprentissage de la langue.

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