vendredi 8 octobre 2010

Une nouvelle PAC : plus verte et plus participative ?

EurActiv évoque aujourd'hui un document de travail de la Commission sur la PAC. Ce document circule dans les services du Commissaire européen à l'agriculture, Dacian Ciolos, et propose une nouvelle orientation pour la politique agricole commune, avec trois méthodes de réforme.

La couleur de la nouvelle PAC est résolument plus verte:
  • la viabilité de la production alimentaire devrait être assurée par une limitation de la variabilité des revenus et une compensation des contraintes naturelles ;
  • l'agriculture aura comme objectif d'assurer une gestion durable des ressources naturelles, en garantissant la «sécurisation de la provision des biens publics environnementaux» (bienvenue à Bruxelles). Pour autant, la Commission n'oublie pas l'objectif de "croissance verte" et "d'innovation", même dans le domaine agricole.
  • l'équilibre du développement territorial est un point essentiel du dispositif, pour maintenir des emplois dans les campagnes. C'est affirmer que l'agriculture est un élément indispensable d'aménagement du territoire.

Voilà pour le volet vert. On pourrait détailler en évoquant les aides à la filière laitière, les critères environnementaux de la distribution des aides, les signaux d'alerte sur les dysfonctionnements des marchés...

Mais il y a également un volet citoyen. Le document préparatoire affirme en effet que les subventions seront simplifiées, afin d'être «compréhensibles» aux yeux des contribuables européens. Cette simplification passera par l'affichage des critères environnementaux et du soutien aux petits paysans.

Enfin, le projet de la Commission s'inscrit dans une perspective systémique : l'évolution de la politique agricole doit être pensée avec celle des autres politiques (notamment l'Emploi, la Pêche et le développement régional).

Pour atteindre ces objectifs, trois voies sont proposées :
- un premier scenario évoque des changements limités (distribution plus équitable des paiements directs entre les Etats membres, par exemple)
- le deuxième affirme une nouvelle orientation vers une agriculture plus "verte", des objectifs clairement affichés et compréhensibles pour tous les citoyens ;
- le troisième, plus audacieux, propose d'abolir les marchés et de recentrer la PAC sur des objectifs environnementaux. Une telle orientation aboutirait à une diminution des taux de production et la conclusion de la Commission est qu'elle entraînerait «une perte des synergies entre les dimensions économique, environnementale et sociale de la PAC».

On voit bien, par conséquent, la direction que regarde la Commission. Comme toujours dans les exercices de prospectives à trois scenarii, c'est le second qui l'emporte.
Est-il bien certain, pourtant, qu'une réorientation de la PAC vers des objectifs environnementaux soit nuisible à la production agricole (donc à l'autosuffisance européenne, le grand mythe de la PAC) et à l'emploi ? Pas si on songe qu'une agriculture plus extensive nécessiterait la création de plus d'emplois, et que l'agriculture intensive pratiquée jusqu'à aujourd'hui a appauvri les sols, avec des rendements qui se tassent.

Cependant, même si l'on peut contester le choix de la deuxième voie, peu audacieux, celui-ci s'appuie sur une lisibilité de la PAC pour les citoyens européens, donc une restauration du lien entre les citoyens et leur agriculture.
Si l'on songe que la réforme de la PAC avait conduit Bruxelles à proposer une réflexion commune et collaborative à ses citoyens, et qu'elle conduit à proposer une politique plus respectueuse de l'environnement, on peut penser, malgré le jargon et les effets de style, que l'Union européenne n'est pas si bureaucratique, et que la Commission est l'un des exécutifs les plus politiquement novateurs en Europe...

mercredi 6 octobre 2010

Communiqué du Pôle écologique du PS

Suite aux propos de Bruno Le Maire lundi 4 octobre dans Ouest-France, le Pôle écologique du PS a établi le communiqué que voici :
La vraie démarche pour défendre l'agriculture
Les propos de Bruno Le Maire dans Ouest-France le 4 octobre témoignent d’une incompréhension totale des enjeux actuels de l’agriculture. A la différence de sa collègue Chantal Jouanno, M. Le Maire en est resté à une agriculture intensive qui a montré ses limites (pollutions, atteintes à la santé publique, baisse actuelle des rendements en raison de l’épuisement des sols…)...
Le Pôle écologique du PS tient à souligner qu’aujourd’hui, pour soutenir l’emploi dans le monde agricole, la solution n’est pas de soutenir les lobbies de l’agriculture intensive, mais au contraire de promouvoir les agricultures raisonnée et biologiques, dans une perspective de long terme. L’agriculture répond à des objectifs alimentaires, mais elle constitue un outil indispensable d’aménagement des territoires, de protection des sols, de l'air et de l'eau en garantissant la santé de tout le monde vivant. C’est donc une agriculture respectueuse des hommes qu’il faut promouvoir aujourd’hui, et non la recherche du profit pour quelques-uns au détriment de la santé de tous.

Europe et réseaux énergétiques

La Commission européenne finalise le prochain plan européen sur l'infrastructure énergétique, en prenant en compte l'intégration des énergies renouvelables dans le réseau. Perspective "durable" et "écologique", donc...
Peut-être pas tant que ça.

Outre les 50000kms de lignes de transport d’électricité qui devront être construites ou améliorées d'ici dix ans pour assurer la sécurité énergétique des Européens, Bruxelles envisage la construction d'un "super-réseau" de lignes à haute tension, pour les échanges entre Nord et Sud de l'Europe. Car, c'est bien connu, le vent est au Nord et le soleil au Sud. Alors au lieu de privilégier une source d'énergie renouvelable locale, avec des réseaux privilégiant les courtes distances, la Commission préfère envisager des réseaux longue-distance, dont l'innocuité pour l'homme, la faune et la flore n'a pas pu être démontrée.
Même si ces lignes n'avaient aucune incidence sur la santé des animaux et des hommes, leur simple coût devrait imposer une réflexion plus longue sur leur utilité. Penser le réseau énergétique de demain nécessite d'évaluer les avantages/inconvénients de tous les types de réseaux et de production énergétique. Mais une telle réflexion ne serait sans doute pas du goût des constructeurs auxquels l'Union E ouvre largement le marché des infrastructures électriques.
En effet, la Commission préconise de réduire rapidement les délais de délivrance des permis, en instaurant éventuellement un régime de «déclaration d'intérêt européen », qui permettrait une procédure d'autorisation simplifiée.

Autre nouvelle réjouissante : ce plan des réseaux énergétiques prévoit également le transport de CO2 depuis les pays où il est produit massivement jusqu'aux lieux où il pourrait être stocké... comme les déchets radioactifs, finalement.
En dissociant lieu de production et lieu d'enfouissement, c'est une déresponsabilisation des producteurs que l'on instaure. A moins de faire payer très cher le trajet et l'enfouissement. L'Union E pourrait d'ailleurs en profiter pour instaurer une taxe sur ces transports de CO2, cela alimenterait un peu le budget européen...

Plaisanterie mise à part, l'annonce de ce projet confirme l'absence de vision prospective de la Commission, qui se fonde sur des schémas de production actuels pour élaborer un réseau qui fonctionnera dans une dizaine d'années. Ce réseau pérennisera les erreurs que nous faisons aujourd'hui dans la production d'électricité : productrice de CO2, centralisée. L'argent qui y sera englouti aurait pu aider les pays les plus polluants dans leur production énergétique à passer à un autre modèle, décentralisé et fondé sur les énergies renouvelables.

vendredi 1 octobre 2010

Toujours sur Desertec

Publié sur Actu Environnement, la position de Maïté Jauréguy-Naudin, coordinatrice du programme Energie à l'Institut français des relations internationales (Ifri), qui pointe les dysfonctionnements de ce projet, avec un argumentaire proche de celui que j'avais développé dans un précédent billet.
C'est ici : "La conception du projet Desertec me gêne".

vendredi 10 septembre 2010

Non-exercice de démocratie : services des ministères et gouvernement

Illustration récente de l'absence totale de pouvoir des services techniques des ministères dans la prise de décision de l'exécutif : le plan d'action national pour atteindre l'objectif de 23% d'énergies renouvelables en 2020.
Ce plan a été présenté par la France à Bruxelles, puisqu'il vise à appliquer une directive de 2008 sur les énergies renouvelables. Il détaille, secteur après secteur, la façon dont la France compte aboutir aux objectifs européens. Aux objectifs européens, et pas au delà, bien sûr.
Les choix du gouvernement, qui impacteront la politique environnementale française jusqu'en 2020 (donc, pour une fois, des choix sur le moyen terme), révèlent non seulement sa "faible conscience environnementale", comme l'ont souligné plusieurs ONG dans un communiqué, mais également le sable qui saupoudre les engrenages de la prise de décision politique.

1. Absence de prise en compte de la société civile

Alors que depuis plusieurs années les études se multiplient qui démontrent les effets négatifs des agrocarburants, le gouvernement a choisi, pour ce qui concerne l'augmentation des EnR dans les transports, de se caler sur les 10% à l'horizon 2020 (surtout en pas aller plus loin que ce que demande l'Europe...) en utilisant des agrocarburants de première génération.
Il a pourtant été montré que ceux-ci conduisent à détourner de leur usage des terres agricoles destinées à l'alimentation, au nord et au sud, avec pour conséquence la déstabilisation de certains prix agricoles, ainsi qu'à accroître la déforestation.
Ces études n'ont manifestement pas ému le gouvernement.

2. Absence de prise en compte des services techniques

Les services du Ministère de l'Environnement, du Développement durable et de la mer, avaient proposé de bloquer à 7% le pourcentage d'agrocarburants de première génération, afin de laisser de la place (même réduite...) aux agrocarburants de seconde voire de troisième génération qui se développeront d'ici 2020. Cette voie n'a pas été suivie par la commission interministérielle qui a décidé, in fine, du plan d'action.

3. Le poids des intérêts industriels et agricoles ?
Pour assurer les besoins en agrocarburants de première génération tels que prévus par le plan d'action national, c'est toute la production française de colza qui sera mobilisée. De quoi rassurer les producteurs actuels sur leurs débouchés. Les besoins alimentaires en huile de colza seront satisfaits par l'importation d'huile dont la production nécessitera, ailleurs, déforestation et détournement des terres d'agriculture vivrière.
Quant aux agro-industriels qui tiennent cette filière, ils n'ont pas d'inquiétude pour les dix ans à venir.

4. Conséquences économiques et sociales
Outre les graves conséquences environnementales de cette décision, qui ne respecte ni les avis des experts, ni les propositions de ce qui sont payés pour en faire à partir des avis d'experts, on ne peut que déplorer les conséquences économiques de cette décision :
  • rien ici ne peut promouvoir la recherche dans le domaine des agrocarburants, puisque le plan ne nécessite pas de remplacer ceux de première génération. Le gouvernement continue de s'inscrire dans sa "politique du pire" scientifique, sous prétexte de contraintes budgétaires. La faiblesse de l'investissement dans la recherche conduit pourtant à aggraver le retard de la France dans les systèmes de production liés aux énergies renouvelables, comme l'a souligné un récent rapport de l'Inspection générale des Finances concernant le photovoltaïque.
  • sans recherche, pas d'entreprise innovante dans les agrocarburants de deuxième et troisième génération ; pas de création d'entreprise, pas de création d'emploi, pas de formation des travailleurs pour "changer de monde".
Constat consternant, comme d'habitude, sur la politique environnementale d'un gouvernement qui n'a toujours pas compris qu'environnement, économie et société sont indéfectiblement liés.

jeudi 9 septembre 2010

Coût de l'énergie photovoltaïque et choix gouvernementaux

Le gouvernement a décidé de diminuer de moitié le crédit d’impôt accordé sur les installations photovoltaïques des particuliers. Ce dernier avait néanmoins permis un accroissement des investissements dans le photovoltaïque.

A l’origine de cette décision, un rapport récent de l’Inspection Générale des Finances, selon lequel le photovoltaïque représente un « risque financier majeur » :

  • coût élevé de la production (200 euros par MWh, contre 70 pour l’éolien terrestre et 60 pour l’hydroélectricité
  • niches fiscales
    • crédit d’impôt développement durable : 350 Meuros en 2009
    • défiscalisation de 75% de l’impôt sur la fortune en cas d’investissement dans les PME dont l’activité porte sur des produits liés à un mécanisme d’obligation d’achat
  • développement insuffisant de la filière en France pour la production d’équipement, qui conduit à aggraver le déficit de la balance commerciale de 800 millions d’euros en 2009 (soit 2% du déficit commercial)
  • coût du rachat par EDF payé par le consommateur, par le biais de la Contribution au service public de l’électricité.

Le rapport propose plusieurs pistes pour diminuer ces coûts

  • positionner les entreprises françaises sur le secteur, au vu de son potentiel en France et dans le monde, notamment en aidant à la mise en réseau des PME du secteur
  • prévoir un plan d’action global, avec des outils de régulation et une stratégie industrielle, en même temps qu’une baisse des tarifs
  • supprimer le bénéfice du crédit d’impôt et sortir la filière photovoltaïque du dispositif ISF-PME, en tenant compte des projets mise en place depuis 2009 pour pouvoir ajuster la baisse des tarifs
  • revoir les objectifs quantitatifs en fonction des objectifs globaux en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2020, en tenant compte des progrès techniques de ces prochaines années qui diminueront le coût de production
  • privilégier les appels d’offre pour la construction des centrales au sol, afin d’aboutir à une programmation pluriannuelle, adaptée aux besoins
  • promouvoir le secteur R&D dans le secteur photovoltaïque pour les filières de 2ème et 3ème générations.

Ces propositions ne posent pas la question centrale (et première) sur l’insertion de la production photovoltaïque dans le réseau énergétique national : s’agit-il d’une production à visée locale ou nationale ? le particulier qui produit de l’électricité doit-il produire pour lui et vendre son surplus, ou pour constituer un maillon de production de la chaîne énergétique de façon à réduire la centralisation de cette production ?


Elles constituent néanmoins une réponse globale aux problèmes de coûts posés par le photovoltaïque, en intégrant les aspects sociaux (coût élevé de cette énergie pour le consommateur à travers la CSPE) et économiques (absence de filière française, ce qui a également des conséquences en terme d’emplois).

On ne peut donc que déplorer le choix fait par le gouvernement à la réception de ce rapport : au lieux d’annoncer une stratégie globale sur le photovoltaïque permettant à moyen terme un redressement de la balance commerciale dans le secteur, une augmentation des crédits recherches ou même une orientation d’OSEO vers une mise en réseau des PME du secteur (ce qui ne coûterait pas bien cher), la seule proposition retenue a été la baisse des tarifs et la remise en cause du crédit d’impôt développement durable.

Du point de vue budgétaire, le rapport de l’IGF avançait pourtant deux pistes conjointes : l’annulation du crédit d’impôt ET la fin du dispositif ISF-PME pour la filière.

Or le gouvernement a choisi de ne pas remettre en cause ce dispositif. Il est vrai que le rapport ne donne pas de chiffre sur le coût de ce dispositif. Mais celui qui est donné pour le crédit d’impôt implique une baisse des dépenses de l’Etat de… 175 millions d’euros. C’est déjà ça de gagné, mais ce n’est franchement pas grand-chose. Le dispositif ISF-PME, lui, permet un retour sur investissement de 35%. Mais, évidemment, le remettre en cause risquerait de froisser l’électorat potentiel de M. Sarkozy.

Tandis qu’afficher clairement la fin du crédit d’impôt développement durable, c’est tellement dans l’air du temps gouvernemental…

Desertec déserté

Le projet Desertec vient de prendre son premier plomb dans l'aile : la défection de l'Algérie.

Desertec est un projet à première vue louable de production photovoltaïque à grande échelle dans des pays où l'énergie solaire est particulièrement abondante : les pays sud de la Méditerranée.
Néanmoins, il ne fait que reproduire le schéma ancien de dissociation entre production et consommation, puisque, dirigé par des firmes européennes, il vise à produire de l'énergie au sud pour fournir le nord, à savoir les pays de l'Union européenne. Rien n'a été précisé jusqu'à présent sur les transferts de technologie aux pays d'accueil, sur leur droit à consommer l'énergie solaire produite sur leur sol etc. Se conjugue avec ce projet une inégalité dans l'attribution des ressources produites et un risque géopolitique semblable à ceux que crée la production pétrolière.

Aujourd'hui, on apprend que l'Algérie aurait décidé de renoncer à participer au projet. "La décision de l'Algérie a été un coup dur pour le reste des pays partenaires qui ont perçu cette décision comme une mauvaise nouvelle» précise le quotidien émirati The National.
Ils étaient pourtant prévenus : en 2010, le ministre de l'Energie et des Mines algérien, Youcef Yousfi, avait déclaré que l'Algérie comptait donner naissance à un projet plus important que Desertec, dont la nature n'a pas encore été précisée.

Avec de la chance (et de la jugeote), l'Algérie aura décidé d'utiliser ses ressources solaires d'abord pour elle, en anticipant le peak oil qui lui sera forcément préjudiciable, mais aussi en palliant les défauts de sa production d'hydrocarbures. En effet, l'Algérie produit l'un des pétroles les plus chers au monde ; avec une production de 1,7 millions de barils par jour, la durée de vie des réserves est estimée à trente ans. L'Algérie a fait le choix de ne pas intensifier sa production, afin de bénéficier de ce délai ; elle revend principalement son pétrole aux Etats-Unis, mais aussi aux pays asiatiques dont la demande augmente.
Une stratégie de production solaire pour les besoins locaux (et régionaux) et de production pétrolière à l'échelle mondiale lui permettrait par conséquent de tirer un plein profit de toutes ses ressources, à moyen terme. Pour savoir si tel a été le choix du pays, il convient néanmoins d'attendre les détails du nouveau projet algérien.