mercredi 27 août 2008

La démocratie selon Cornelius Castoriadis


J’ai lu ce matin le compte-rendu de l’ouvrage de C. Castoriadis, La cité et les Lois, par S. Chapel, sur le site La vie des idées. Je ne suis pas certaine d’avoir tout compris, mais en tout cas l’ensemble est stimulant.

Selon Castoriadis, la démocratie tire son unité et son identité du rapport entre la société et un imaginaire appelé les « significations imaginaires centrales » (exemples : Dieu, le Parti, le Capital…). Au VIIe siècle av. J.-C., les philosophes découvrent le chaos dans le monde ; la cité ne dépend donc pas de normes immuables, de dieux, c’est à elle de forger ses institutions par un appel à la délibération collective. En effet, rien n’étant donné, c’est la doxa, l’opinion, qui doit trouver les formes d’organisation. Pour aboutir à un système qui fonctionne, il s’agit de multiplier les doxai. La légitimité de la cité repose donc sur l’assemblée des citoyens (qui n’est pas représentative, mais directe, participative). Les magistrats (au sens antique du terme, c’est-à-dire les responsables politiques) sont principalement tirés au sort. Lorsqu’ils sont élus, ils ne représentent pas le peuple ; l’ensemble des doxai les désigne comme compétents pour accomplir une tâche qui n’excède pas une durée d’un an.

Cette pratique démocratique souffre de deux excès, selon Castoriadis : une démesure (hybris) par excès ; une démesure nihiliste. La première découle de l’absence de signification immuable et de la liberté laissée au démos de choisir ses formes politiques : les décisions des doxai ne peuvent être confrontées à aucun modèle, aucun étalon. L’autolimitation du dèmos reste difficile. La démesure « par défaut » est incarnée par Socrate, qui interroge le fonctionnement de la cité et remet en cause les certitudes des citoyens, sans pour autant proposer de solutions alternatives ; il détruit, sans reconstruire. La cité risque par conséquent de tomber dans un scepticisme nihiliste qui conduit à l’absence d’action.

La faille du raisonnement de Castoriadis repose sur les significations, imaginaires : pourquoi devraient-elles obligatoirement conduire à la démocratie ? En outre, Castoriadis part du principe que la conception du chaos a amené la démocratie ; mais les philosophes qui ont pensé le chaos n’étaient pas tous athéniens, ils n’avaient pas à Athènes une influence plus grande qu’ailleurs. Or dans la plupart des cités grecques, les systèmes politiques sont aussi bien des oligarchies que des tyrannies : c’est la doxa d’un seul, ou celle d’un petit groupe, qui a été préférée à la doxa de tous les citoyens.

La participation démocratique de tous les citoyens dans une assemblée non-représentative est donc un choix parmi d’autres pour ordonner un monde « chaotique ». Ce choix repose sur l’idée que le meilleur des gouvernements repose sur le mélange de toutes les opinions, pour qu’en sorte une doxa collective. Mais, rapidement, l’expression de la doxa collective a été confisquée par ceux qui savaient parler, c’est-à-dire exposer mieux que les autres leur doxa particulière. C’est un risque qui guette toute démocratie participative.

PS : après deux jours d'expérience des annonces Google, je dois avouer que le résultat de l'analyse googelienne des posts est à la fois prévisible et surprenante : je comprends les "locations d'hôtel" sur Athènes, mais la pub pour les services de Supernanny, apparue plusieurs fois, reste à mes yeux étonnante…

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