Ma grande découverte du week-end a été l'ouvrage d'Emmanuel Wallerstein, Comprendre le monde (La Découverte, 2004-2009). D'accord, d'accord, il est déjà tard pour le découvrir, mais mieux vaut tard que jamais.
Désireuse de dépoussiérer quelque peu les piles de revues et de journaux qui encombrent mon appartement, je feuillette rapidement Le Monde 2 du week-end. Et je tombe sur un article concernant les marchés sauvages de Paris : ces marchés où l'on vend des objets de récup tirés des poubelles, pour ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter pendant le premier round.
L'article présente quelques parcours de ces vendeurs à la sauvette : perte d'emploi ; volonté d'échapper à la mendicité… Ces chiffonniers des temps modernes sont hors-la-loi, hors-la-société : ils occupent "illégalement" la chaussée ; ils provoquent des nuisances selon les riverains.
Pour l'instant, la mairie de Paris refuse les marchés de la misère. Sauf à créer un "marché solidaire", Porte-Montmartre. Contrôler les contre-façons. Eviter le recel. Normaliser. La création de ce marché entraînera une répression plus grande pour les autres, ceux qui n'auront pas eu l'autorisation d'y proposer leurs "prises".
Leurs "prises", parlons-en. Elles exposent dans un raccourci tragique notre surconsommation : nourriture périmée ramassée dans les poubelles des supérettes ; consoles de jeux vidéos ou montres trouvés dans les poubelles de Neuilly.
Pourquoi ne pas transformer ces marchés en oeuvres d'art ? Après tout, l'exposition Trash montrait des poubelles de stars ; ces marchés exposent les poubelles des consommateurs de tous milieux, stars malgré eux. Ils constituent des témoins à charge contre une société de surconsommation qui oblige les uns à payer pour obtenir les poubelles des autres.
Quel est le rapport avec Immanuel Wallerstein ? Dans sa définition des sources de revenus, Wallerstein définit le "revenu de production marchande simple", qu'il présente comme un mode de revenu "très répandu dans les zones les plus pauvres de l'économie-monde", mais présent aussi, sous-une forme free-lance, dans les autres régions. Les vendeurs à la sauvette, free-lance de la consommation de masse. Un moyen d'échapper au prolétariat… Mais à quel prix, tant qu'aucune reconnaissance (politique, humaine) ne viendra apprécier leur statut de recycleurs et d'empêcheurs de gaspillage ?
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