Pour une fois, je quitte le monde antique pour atterrir sans douceur dans le monde contemporain, après avoir lu l'entretien avec R. Reich dans la revue Sciences Humaines du mois de mars, puis les critiques du dernier ouvrage de Reich, Supercapitalisme, sur le site nonfiction.fr (une critique "critique", et une autre sur la nouvelle gauche aux E-U, davantage favorable aux idées de R. Reich).
L'ouvrage de R. Riech a l'avantage de soumettre sur un temps long la question du lien entre démocratie et capitalisme. Sa théorie repose sur une évolution qui va d'un capitalisme démocratique d'après-guerre, dû à la représentation des citoyens par le biais des syndicats et des partis politiques, à un capitalisme qui s'intéresse uniquement aux consommateurs et aux épargnants, et non plus aux citoyens. La transition a été réalisée grâce à la révolution technologique des transports et de la communication qui impliquent une compétitivité accrue. Le citoyen étant satisfait en tant que consommateur et épargnant ne cherche pas à s'opposer aux moyens dont les entreprises se servent pour améliorer leur compétitivité. Les prises de position contre certaines entreprises sous couvert de l'intérêt public (lutte contre des forages pétroliers off-shores le long des côtes, ou, plus récemment, protestation des Américains contre le choix d'Airbus pour les ravitailleurs en vol) ne seraient que l'expression de la concurrence d'autres entreprises (l'industrie touristique pour les forages, Boeing pour les ravitailleurs). L'effondrement du taux de syndicalisation accroît la perte d'influence citoyenne sur les décisions économiques. Par conséquent, si le capitalisme dirige la démocratie, ce n'est plus une démocratie mais une oligarchie à laquelle nous sommes confrontés.
On peut opposer à cette vision des exemples récents qui tendraient à prouver un investissement citoyen des entreprises : la notion de développement durable, les fonds éthiques, la consommation citoyenne. Selon R. Reich, ces pratiques sont trop à la marge pour changer l'évolution des choses. La seule solution selon lui n'est pas économique mais politique. En effet, l'amoindrissement de la démocratie face à une économie "supercapitaliste" n'est pas un problème économique, mais politique. C'est par conséquent sur le plan politique qu'il faut agir. Mais R. Reich ne précise pas dans quel cadre.
La démocratie participative peut participer de la solution à ces dérives : par les débats et les prises de position qu'elle implique, par l'implication des citoyens dans la vie politique et économique, elle pourrait constituer le cadre d'une rénovation globale de la pratique politique.
On rétorquera que la démocratie participative est plus "à l'aise" dans des petites structures, à l'échelle de communautés réduites (sur la toile, donc réduite à ceux qui ont une connexion ; dans les quartiers ou les associations…). Mais un instrument récent permet, si ce n'est d'atteindre l'échelle mondiale, tout au moins d'élever la démocratie participative à l'échelon européen : le traité de Lisbonne, à la suite du projet de Constitution européenne, adopte le principe de la démocratie participative, en imposant la transparence dans les délibérations du Conseil et du Parlement, en sollicitant le dialogue entre les citoyens, entre l'UE et la société civile, et surtout en laissant aux citoyens de l'Union un droit d'initiative pour inviter la Commission à soumettre des propositions (sur la base d'un million de citoyens ressortissant d'un nombre significatifs d'États membres). Peut-être est-ce un moyen de faire primer la démocratie sur l'économie, en utilisant les révolutions technologiques sur lesquelles s'est appuyé le "supercapitalisme".
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