vendredi 10 septembre 2010

Non-exercice de démocratie : services des ministères et gouvernement

Illustration récente de l'absence totale de pouvoir des services techniques des ministères dans la prise de décision de l'exécutif : le plan d'action national pour atteindre l'objectif de 23% d'énergies renouvelables en 2020.
Ce plan a été présenté par la France à Bruxelles, puisqu'il vise à appliquer une directive de 2008 sur les énergies renouvelables. Il détaille, secteur après secteur, la façon dont la France compte aboutir aux objectifs européens. Aux objectifs européens, et pas au delà, bien sûr.
Les choix du gouvernement, qui impacteront la politique environnementale française jusqu'en 2020 (donc, pour une fois, des choix sur le moyen terme), révèlent non seulement sa "faible conscience environnementale", comme l'ont souligné plusieurs ONG dans un communiqué, mais également le sable qui saupoudre les engrenages de la prise de décision politique.

1. Absence de prise en compte de la société civile

Alors que depuis plusieurs années les études se multiplient qui démontrent les effets négatifs des agrocarburants, le gouvernement a choisi, pour ce qui concerne l'augmentation des EnR dans les transports, de se caler sur les 10% à l'horizon 2020 (surtout en pas aller plus loin que ce que demande l'Europe...) en utilisant des agrocarburants de première génération.
Il a pourtant été montré que ceux-ci conduisent à détourner de leur usage des terres agricoles destinées à l'alimentation, au nord et au sud, avec pour conséquence la déstabilisation de certains prix agricoles, ainsi qu'à accroître la déforestation.
Ces études n'ont manifestement pas ému le gouvernement.

2. Absence de prise en compte des services techniques

Les services du Ministère de l'Environnement, du Développement durable et de la mer, avaient proposé de bloquer à 7% le pourcentage d'agrocarburants de première génération, afin de laisser de la place (même réduite...) aux agrocarburants de seconde voire de troisième génération qui se développeront d'ici 2020. Cette voie n'a pas été suivie par la commission interministérielle qui a décidé, in fine, du plan d'action.

3. Le poids des intérêts industriels et agricoles ?
Pour assurer les besoins en agrocarburants de première génération tels que prévus par le plan d'action national, c'est toute la production française de colza qui sera mobilisée. De quoi rassurer les producteurs actuels sur leurs débouchés. Les besoins alimentaires en huile de colza seront satisfaits par l'importation d'huile dont la production nécessitera, ailleurs, déforestation et détournement des terres d'agriculture vivrière.
Quant aux agro-industriels qui tiennent cette filière, ils n'ont pas d'inquiétude pour les dix ans à venir.

4. Conséquences économiques et sociales
Outre les graves conséquences environnementales de cette décision, qui ne respecte ni les avis des experts, ni les propositions de ce qui sont payés pour en faire à partir des avis d'experts, on ne peut que déplorer les conséquences économiques de cette décision :
  • rien ici ne peut promouvoir la recherche dans le domaine des agrocarburants, puisque le plan ne nécessite pas de remplacer ceux de première génération. Le gouvernement continue de s'inscrire dans sa "politique du pire" scientifique, sous prétexte de contraintes budgétaires. La faiblesse de l'investissement dans la recherche conduit pourtant à aggraver le retard de la France dans les systèmes de production liés aux énergies renouvelables, comme l'a souligné un récent rapport de l'Inspection générale des Finances concernant le photovoltaïque.
  • sans recherche, pas d'entreprise innovante dans les agrocarburants de deuxième et troisième génération ; pas de création d'entreprise, pas de création d'emploi, pas de formation des travailleurs pour "changer de monde".
Constat consternant, comme d'habitude, sur la politique environnementale d'un gouvernement qui n'a toujours pas compris qu'environnement, économie et société sont indéfectiblement liés.

jeudi 9 septembre 2010

Coût de l'énergie photovoltaïque et choix gouvernementaux

Le gouvernement a décidé de diminuer de moitié le crédit d’impôt accordé sur les installations photovoltaïques des particuliers. Ce dernier avait néanmoins permis un accroissement des investissements dans le photovoltaïque.

A l’origine de cette décision, un rapport récent de l’Inspection Générale des Finances, selon lequel le photovoltaïque représente un « risque financier majeur » :

  • coût élevé de la production (200 euros par MWh, contre 70 pour l’éolien terrestre et 60 pour l’hydroélectricité
  • niches fiscales
    • crédit d’impôt développement durable : 350 Meuros en 2009
    • défiscalisation de 75% de l’impôt sur la fortune en cas d’investissement dans les PME dont l’activité porte sur des produits liés à un mécanisme d’obligation d’achat
  • développement insuffisant de la filière en France pour la production d’équipement, qui conduit à aggraver le déficit de la balance commerciale de 800 millions d’euros en 2009 (soit 2% du déficit commercial)
  • coût du rachat par EDF payé par le consommateur, par le biais de la Contribution au service public de l’électricité.

Le rapport propose plusieurs pistes pour diminuer ces coûts

  • positionner les entreprises françaises sur le secteur, au vu de son potentiel en France et dans le monde, notamment en aidant à la mise en réseau des PME du secteur
  • prévoir un plan d’action global, avec des outils de régulation et une stratégie industrielle, en même temps qu’une baisse des tarifs
  • supprimer le bénéfice du crédit d’impôt et sortir la filière photovoltaïque du dispositif ISF-PME, en tenant compte des projets mise en place depuis 2009 pour pouvoir ajuster la baisse des tarifs
  • revoir les objectifs quantitatifs en fonction des objectifs globaux en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2020, en tenant compte des progrès techniques de ces prochaines années qui diminueront le coût de production
  • privilégier les appels d’offre pour la construction des centrales au sol, afin d’aboutir à une programmation pluriannuelle, adaptée aux besoins
  • promouvoir le secteur R&D dans le secteur photovoltaïque pour les filières de 2ème et 3ème générations.

Ces propositions ne posent pas la question centrale (et première) sur l’insertion de la production photovoltaïque dans le réseau énergétique national : s’agit-il d’une production à visée locale ou nationale ? le particulier qui produit de l’électricité doit-il produire pour lui et vendre son surplus, ou pour constituer un maillon de production de la chaîne énergétique de façon à réduire la centralisation de cette production ?


Elles constituent néanmoins une réponse globale aux problèmes de coûts posés par le photovoltaïque, en intégrant les aspects sociaux (coût élevé de cette énergie pour le consommateur à travers la CSPE) et économiques (absence de filière française, ce qui a également des conséquences en terme d’emplois).

On ne peut donc que déplorer le choix fait par le gouvernement à la réception de ce rapport : au lieux d’annoncer une stratégie globale sur le photovoltaïque permettant à moyen terme un redressement de la balance commerciale dans le secteur, une augmentation des crédits recherches ou même une orientation d’OSEO vers une mise en réseau des PME du secteur (ce qui ne coûterait pas bien cher), la seule proposition retenue a été la baisse des tarifs et la remise en cause du crédit d’impôt développement durable.

Du point de vue budgétaire, le rapport de l’IGF avançait pourtant deux pistes conjointes : l’annulation du crédit d’impôt ET la fin du dispositif ISF-PME pour la filière.

Or le gouvernement a choisi de ne pas remettre en cause ce dispositif. Il est vrai que le rapport ne donne pas de chiffre sur le coût de ce dispositif. Mais celui qui est donné pour le crédit d’impôt implique une baisse des dépenses de l’Etat de… 175 millions d’euros. C’est déjà ça de gagné, mais ce n’est franchement pas grand-chose. Le dispositif ISF-PME, lui, permet un retour sur investissement de 35%. Mais, évidemment, le remettre en cause risquerait de froisser l’électorat potentiel de M. Sarkozy.

Tandis qu’afficher clairement la fin du crédit d’impôt développement durable, c’est tellement dans l’air du temps gouvernemental…

Desertec déserté

Le projet Desertec vient de prendre son premier plomb dans l'aile : la défection de l'Algérie.

Desertec est un projet à première vue louable de production photovoltaïque à grande échelle dans des pays où l'énergie solaire est particulièrement abondante : les pays sud de la Méditerranée.
Néanmoins, il ne fait que reproduire le schéma ancien de dissociation entre production et consommation, puisque, dirigé par des firmes européennes, il vise à produire de l'énergie au sud pour fournir le nord, à savoir les pays de l'Union européenne. Rien n'a été précisé jusqu'à présent sur les transferts de technologie aux pays d'accueil, sur leur droit à consommer l'énergie solaire produite sur leur sol etc. Se conjugue avec ce projet une inégalité dans l'attribution des ressources produites et un risque géopolitique semblable à ceux que crée la production pétrolière.

Aujourd'hui, on apprend que l'Algérie aurait décidé de renoncer à participer au projet. "La décision de l'Algérie a été un coup dur pour le reste des pays partenaires qui ont perçu cette décision comme une mauvaise nouvelle» précise le quotidien émirati The National.
Ils étaient pourtant prévenus : en 2010, le ministre de l'Energie et des Mines algérien, Youcef Yousfi, avait déclaré que l'Algérie comptait donner naissance à un projet plus important que Desertec, dont la nature n'a pas encore été précisée.

Avec de la chance (et de la jugeote), l'Algérie aura décidé d'utiliser ses ressources solaires d'abord pour elle, en anticipant le peak oil qui lui sera forcément préjudiciable, mais aussi en palliant les défauts de sa production d'hydrocarbures. En effet, l'Algérie produit l'un des pétroles les plus chers au monde ; avec une production de 1,7 millions de barils par jour, la durée de vie des réserves est estimée à trente ans. L'Algérie a fait le choix de ne pas intensifier sa production, afin de bénéficier de ce délai ; elle revend principalement son pétrole aux Etats-Unis, mais aussi aux pays asiatiques dont la demande augmente.
Une stratégie de production solaire pour les besoins locaux (et régionaux) et de production pétrolière à l'échelle mondiale lui permettrait par conséquent de tirer un plein profit de toutes ses ressources, à moyen terme. Pour savoir si tel a été le choix du pays, il convient néanmoins d'attendre les détails du nouveau projet algérien.