Dans quelques mois, le citoyen européen pourra plus encore qu'aujourd'hui jouer un rôle à l'échelle multinationale :
- en votant pour un Parlement dont les pouvoirs s'accroissent : depuis la motion de censure jusqu'à la co-décision, en passant par le droit de pétition et d'enquête, le droit d'amendement sur les dépenses non-obligatoires, la concertation ou la coopération, le Parlement européen détient aujourd'hui une puissance d'action que les citoyens européens ne devraient pas négliger.
- en profitant des avancées du traité de Lisbonne, qui permettra aux parlements nationaux d'engager un contrôle juridictionnel sur les actions de l'Union et qui prévoit un droit d'initiative populaire.
Aussi il serait bon de s'intéresser dès aujourd'hui aux orientations prévues de la politique européenne, car la mise en oeuvre de ces prévisions se fera au moment où, justement, les citoyens européens auront davantage de marge d'action dans l'Union.
Parmi ces orientations, celles prévues par le rapport consacré à la mise en oeuvre de la stratégie européenne de sécurité ne manquent pas d'intérêt. Le rapport prévoit une "redéfinition de l'ordre multilatéral". Un choix diplomatique issu de la fin du monde bipolaire, effacé en même temps que la guerre froide, et qui ne s'accommode pas de l'idée de civilisation universelle. L'ordre multilatéral implique, au moins en partie, de respecter la diversité humaine et culturelle. En ces temps de centenaire de Claude Levi-Strauss, cela semble logique… Néanmoins, dans cet ordre multipolaire, l'action de l'Union doit se rapprocher, d'après le rapport, de l'action des États-Unis : l'Occident contre tous les autres ?
Le changement de présidence et les orientations proposées par B. Obama vont (fort heureusement, pourrait-on dire) dans le sens des autres orientations proposées par le rapport : la sécurité énergétique et la cybersécurité. Alors non, dans les projets d'Obama on ne trouve pas ces termes, ce qui est logique puisque son discours n'est pas sécuritaire. Les thématiques, en revanche, sont les mêmes : utilisation des nouvelles technologies de l'information et préoccupations énergétiques.
Malheureusement, à la différence de la nouvelle vision américaine qui prône la recherche d'une meilleure efficacité énergétique, le rapport sur la PESC évoque la sécurisation des voies de transit des matières premières par la Turquie et l'Ukraine et l'amélioration des relations avec la Russie. Alors qu'il appartiendrait tout autant à une politique de sécurité de diminuer les flux transitant par ces pays. Ce choix reflète la position adoptée hier, concernant le plan climat : quelques avancées, certes, mais tellement faibles…
Dans le même temps, le Programme des Nations unies pour l'environnement veut profiter de la crise pour aller vers une économie verte. Une option qui n'a pas été retenue par l'Union. Vient-on de rater le train ? Pour le citoyen européen qui voudrait influer sur ces orientations, il n'est peut-être pas trop tard : par son vote, puis (après la ratification irlandaise…) par son droit d'initiative, il pourrait peut-être pousser l'Union à être plus réaliste et moins crispée sur une vision du monde en train de se périmer.
Mais pour cela, les citoyens européens ne doivent pas rester isolés : ce qu'il faut mettre en place, c'est une véritable agora européenne. Pas un lieu de consultation pays par pays, comme c'est le cas actuellement sur le site de consultation européenne European citizens consultation, qui ne permet pas, avec un même identifiant, d'aller sur les forums des différents pays.
Les citoyens européens, peut-être par l'intermédiaire des partis européens, mais aussi indépendamment de ceux-ci, doivent créer une véritable "République" européenne, au sens latin du terme, la res publica, la chose publique. La construire et se l'approprier. La démocratie participative, parce qu'elle permet l'échange et la connaissance de l'autre, pourrait bien constituer la meilleure voie pour y parvenir.